Les personnes bilingues semblent bénéficier de beaucoup d'avantages. De meilleures perspectives d’emploi, une stimulation au niveau cognitif et même une certaine protection contre la survenue d’une démence. Une nouvelle recherche montre qu’elles peuvent aussi voir le monde de façon différente selon la langue qu’elles utilisent.
Une étude récente a soumis des bilingues anglo-allemands et des personnes monolingues à des tests destinés à savoir comment des langues différentes affectent leurs réactions.
On a ainsi montré à des bilingues anglo-allemands des clips vidéo rendant compte d’un mouvement, une femme marchant vers une voiture, par exemple. Est-elle en train de marcher ? Ou marche-t-elle en direction de la voiture ?
Quand vous montrez cela à un Allemand qui parle exclusivement sa langue maternelle, il va tenir compte de l’action, mais aussi de l’objectif de l’action. Ainsi aurait-il tendance à commenter : « une femme marche vers sa voiture » . Des Anglais monolingues, eux, décriraient simplement les scènes en disant « une femme est en train de marcher » ou « un homme est en train de pédaler » sans évoquer leur intention.
Les allemands qui s'expriment en langue allemande vont regarder l’événement comme un tout, ( vision holistique) tandis que les Anglais qui s'expriment en anglais vont se concentrer sur l’action.
On a ensuite montré aux différentes personnes des videos plus ambigues ( une femme qui marche mais on ne sait avec quel objectif). L'étude a encore montré que les Allemands monolingues associent plus fréquemment un but à ces scènes ambiguës que leurs homologues anglais. Cette différence reflète celle que l’on a trouvée dans l’utilisation de la langue : les germanophones sont plus susceptibles de se focaliser sur les possibles issues des actions entreprises, mais les locuteurs anglais accordent davantage d’attention à l’action elle-même.
Cela serait lié aux outils grammaticaux différents d'une langue à l'autre: la langue anglaise demande de spécifier grammaticalement les évènements en cours, en utilisant obligatoirement le morphème « ing » : « je suis en train de jouer du piano et je ne peux pas prendre le téléphone ». Ou bien « j’étais en train de jouer du piano quand le téléphone a sonné ». Les Allemands ne connaissent pas cette particularité.
Plus étonnant.....quand un allemand est testé en anglais, il se comporte pour ainsi dire comme un anglais, c'est-à-dire qu'il va se focaliser sur l'action au détriment de la vision d'ensemble. Inversement pour un anglais bilingue testé en allemand !
Ces découvertes sont dans la lignée d’autres recherches démontrant un comportement des bilingues qui varie selon la langue utilisée. D'après certaines études, les Arabes israéliens associeraient des noms arabes comme Ahmed et Samir avec des mots positifs dans un contexte linguistique arabe que ce ne serait le cas dans un contexte hébraïque, par exemple.
Les gens disent eux-mêmes se sentir différents quand ils pratiquent leurs diverses langues. Et qu'exprimer des émotions selon eux provoque une résonance émotionnelle spécifique selon la langue utilisée.
Pour ce qui est d’évaluer les risques, les bilingues tendent également à prendre des décisions plus rtionnelles dans leur deuxième langue. Par contraste avec leur première langue, cela pousse à éliminer des préjugés très enracinés, avec une dimension affective, trompeurs, qui influencent négativement la manière dont on perçoit les risques et les bénéfices.....Comme quoi, la langue que vous parlez peut vraiment influer sur votre façon de penser.
Pour aller plus loin
