Le point de vue de Mediapart: aussi de la récupération...

nina-bee Par Le 28/10/2018 0

Nous reprenons ci-dessous un article de Mediapart sur le déferlement de mal- être enseignant

Sous le mot-dièse #PasDeVague, des milliers d’enseignants se sont fait l’écho de leur mal-être vis-à-vis de certaines situations de violences subies dans leur classe. Pire, ils dénoncent l’absence de soutien de tout un système : leur hiérarchie directe – leurs chefs d’établissement – ou indirecte comme les directeurs d’académie ou les recteurs, qui préfèrent étouffer ces faits.

Un principal de collège en éducation prioritaire, dans l’ouest de la région parisienne – contraint de rester anonyme en raison de son devoir de réserve – nuance ce constat et relève « beaucoup de fantasmes chez les professeurs qui imaginent que les chefs d’établissement auraient intérêt à ne pas faire de conseils de discipline ».

En réalité, les situations sont plus nuancées selon lui. « Oui, il existe des chefs qui ne prennent pas leurs responsabilités et laissent des élèves faire n’importe quoi et parfois des professeurs sont lâchés par leur hiérarchie. Mais il arrive que les mêmes refusent toute autorité de la part de leur principal ou proviseur. »Ce hashtag a en effet charrié le pire comme le meilleur.

La récupération par divers groupes politiques – d'extrême droite notamment – a pu brouiller le message et la sincérité des messages postés. Anne Anglès, qui a été professeure d’histoire-géographie au lycée Léon-Blum de Créteil durant 26 ans avant d'aller enseigner à Paris, est mal à l’aise face à ce mouvement. La dimension « défouloir » du mot-dièse #PasDeVague l’a heurtée : « Il est impossible de vérifier la véracité de ces témoignages, d’obtenir des preuves et d’être sûrs que la direction n’a pas répondu. »

Plus encore, elle est peinée par la vision des élèves ainsi renvoyée par certains de ses collègues. « Ils voient les élèves comme leurs ennemis. Alors que notre défi c’est de se retrouver seuls face à ces 35 élèves et de parvenir à créer une relation d’apprentissage et à leur transmettre des savoirs. »

Adrien Viallet-Barthélémy, professeur de français au lycée Maurice-Utrillo à Stains en Seine-Saint-Denis, rappelle le caractère exceptionnel de ce braquage, même si des faits similaires se sont produits au Havre début octobre. Il considère pour sa part qu’il faut entendre le « ras-le-bol » de certains professeurs en difficulté dans leurs classes. Les protestations formulées sur les réseaux sociaux sont assez similaires à ce qu’il a pu entendre en salle des professeurs, même s’il imagine que certains faits sont exagérés. « Mais, insiste-t-il, il ne faut pas entendre que les élèves sont le principal problème. » 

Benjamin Moignard, membre de l'Observatoire international de la violence à l'école (OIVE) et maître de conférences à l'université de Paris-Est-Créteil, a également observé l’agitation numérique de la semaine avec attention. « Le succès du hashtag est révélateur du sentiment de solitude qui peut étreindre des professeurs. La solidarité entre adultes dans les établissements ne fonctionne pas forcément, même s’il y en a malgré tout. »

Les solidarités peuvent toutefois se nouer face au chef d’établissement, explique encore le spécialiste des violences scolaires. Certains utilisateurs flirtent avec le complotisme, poursuit Moignard, qui juge abusif de penser que tous les principaux ou les proviseurs dissimuleraient sciemment les faits de violence pour ne pas entacher leur réputation.

Toute la semaine, les communiqués des différentes organisations syndicales se sont succédé. Les principales, à commencer par le Snes-FSU, exigent un renforcement des moyens humains, notamment des conseillers principaux d’éducation, pour faire face à cette apparente poussée de la violence.

D’autant plus que les lycées ne bénéficient pas du label éducation prioritaire et n'en ont pas les avantages afférents. Le Snalc, syndicat classé à droite, réclame pour sa part plus de soutien hiérarchique. La droite parlementaire, inaudible depuis des mois, en a aussi profité pour reprendre des couleurs en se saisissant de l’un de ses thèmes phares, l’insécurité.

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